Dans la continuité des interrogations sur le programme Apollo (voir notre précédent article), certains internautes évoquent des éléments incohérents sur cette photographie du rover lunaire (Lunar Roving Vehicle ou LRV) . Qu’est-ce « qui cloche » et quelles en sont les explications ?
La photographie en question se trouve sur le site de la NASA retraçant l’histoire du programme Apollo et sur lequel se trouve notamment l’ensemble des photographies des différentes missions. Celle-ci a été prise lors de la mission Apollo 17 (décembre 1972) – la dernière mission ayant transportée des hommes sur la Lune – le 13 décembre à la 143 heures du lancement de la mission. Numérotée AS17-137-20979, elle capture l’arrière du LRV sur le site géologique Station 2. On y distingue les réparations faites sur le garde-boue arrière (l’opération est visible sur cette vidéo, à proximité du module lunaire).

Néanmoins, selon l’auteur du tweet (affirmant ici que « Buzz Aldrin a souvent admis n’être jamais allé sur la Lune »), et de nombreux commentaires, l’image montrerait une ou plusieurs anomalies :
1. L’absence de traces de roues
Cet argument est celui qui est principalement mis en avant dans les commentaires et se retrouve également être une interrogation plus ancienne. Selon ces internautes l’image ne montre pas de traces des roues du LRV et donc, pour certains, serait la preuve que ces photographies sont des montages ou ont été mises en scène sur Terre.
Si la photographie ne montre pas de traces de roues, elle montre, en revanche, de très nombreuses traces de pas tout autour du véhicule. Avec une photographie plus large du site, on distingue d’autres traces de pas sur l’ensemble des faces du LRV

Or, cette photographie a été prise dans un contexte spécifique : les deux astronautes s’apprêtent à partir de Station 2 pour se diriger vers Station 3 (voir la carte de l’ensemble des 3 sorties extravéhiculaires – EVA – d’Apollo 17). Nous disposons en effet de l’ensemble des retranscriptions des communications audio entre les astronautes et le centre spatial de Houston. Les communications lors des expériences réalisées à Station 2 sont disponibles sur cette page et notamment la précision que la photographie 20979 a été prise avant le départ – d’où la présence de Schmitt sur son siège.
Les deux astronautes ont donc eu plus d’une heure pour réaliser des expériences tout autour du site ce qui a demandé de revenir régulièrement autour du rover pour récupérer des instruments de mesure par exemple. L’activité autour du LRV a ainsi été abondante. Cette vidéo tournée peu avant le départ (143:42 à 143:45) montre Cernan et Schmitt s’affairer autour du véhicule.
NDLR – La caméra est ici pilotée à distance depuis la Terre.
Les films des EVA, tournés depuis la caméra avant du LRV, sont disponibles ici et ici. Ci-dessous la vidéo concernant spécifiquement l’EVA2.
Précisons également que la conception même du LRV et des roues (voir 2.) fait que les empreintes laissées par le véhicule sont très légères (profondeur de 1,27cm) voire même plus légères que celles des astronautes eux-mêmes. C’est pourquoi celles-ci sont souvent moins visibles sur les différentes photographies.
Ainsi l’absence de traces de roues s’explique par le fait qu’elles ont été recouvertes par la poussière lunaire des pas des astronautes là où ceux-ci sont passés. Pour autant, lorsqu’il n’y a pas eu d’activités autour, les traces du rover sont visibles comme sur ces deux photographies.


À gauche, le LRV pris de dos par Schmitt à proximité du LEM. À droite, Cernan conduisant le rover avant son assemblage final. ©NASA
D’autre part, des photographies montrent explicitement comment les pas des astronautes peuvent recouvrir les traces du véhicule. Comme on peut le constater sur les photographies ci-dessous, les traces des roues sont visibles à l’arrière du LRV mais sont couvertes par celles des astronautes tout autour. NDLR – Pour une meilleure visualisation, consulter les photographies sur un écran d’ordinateur et zoomer.





L’exemple suivant est une série de clichés prise à Station 7 dans laquelle Cernan déplace au fur et à mesure son objectif vers la droite du rover permettant ainsi de distinguer la différence entre la zone piétinée autour du rover et celle où est passé le LRV. Photographies A17-146-22345 à 22349.





Enfin, cette photographie illustre parfaitement comment une empreinte de pas peut recouvrir celle du rover lorsqu’un astronaute passe dessus ensuite.

En d’autres termes, l’absence de traces des roues du rover lunaire n’est en réalité que la conséquence d’un recouvrement de ces dernières par la poussière soulevée par les pas et les empreintes de pas des astronautes.
2. Les « pneus »
Dans les commentaires sous le tweet initial, certains internautes s’interrogent sur l’aspect étrange des roues du LRV*. Et, en effet, celles-ci n’ont pas l’aspect habituel de nos véhicules terrestres. L’explication se situe justement par le fait que l’ensemble du matériel est pensé pour fonctionner dans un environnement lunaire.
C’est pourquoi les roues du rover sont faites de matériaux légers mais souples à la fois permettant de limiter le poids du véhicule mais également de franchir de petits obstacles. Conçues à partir d’un treillis métallique constitué de 800 brins de fils d’acier zingué sur lequel sont rivetés des bandes de titane, elles permettaient ainsi de passer au dessus d’un obstacle de 30cm de haut et rouler dans des crevasses de plus de 70cm. Les garde-boues ont été ajoutés justement dans l’objectif de limiter l’expulsion de la poussière lunaire (avec un résultat… mitigé).

Précisons, puisque cela est également régulièrement évoqué, que le rover a été conçu pour être replié sur lui même et ajouté dans l’étage de descente du LEM afin de permettre son transport
3. La « boue » sur le LRV
Enfin, d’autres commentaires évoquent la présence de « boue » sur le LRV ainsi que les habits des astronautes ce qui ne serait pas logique du fait de l’absence d’humidité sur la Lune.

Or sur la photographie ce n’est pas de la boue mais bien du régolithe (la poussière lunaire) qui est fortement magnétisé par le rayonnement solaire. Sous l’effet de l’électricité statique le régolite s’accumule ainsi sur les équipements. Cette difficulté fait même l’objet de recherches afin d’en limiter l’effet (dont celle sur la santé des astronautes).
Conclusion
Parmi les nombreuses interrogations sur le programme Apollo, cette photographie du rover lunaire lors de la mission Apollo 17 est régulièrement utilisée par certains pour démontrer le « Moon Hoax ». Cependant, en examinant la série des clichés de la mission, on peut constater que l’absence de traces de roue s’explique par le passage ultérieur des astronautes tout autour du véhicule, les effaçant par la même occasion.
* Notre commentaire en dessous du tweet utilise erronément le terme « pneu » (les roues n’étant pas gonflées, à la différence du MET de la mission Apollo 14). Nous nous excusons pour la maladresse, cela est lié à l’habitude de son emploi dans le langage courant et notre volonté de répondre rapidement au tweet afin d’en limiter l’impact.



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