Gouvernement français : les mauvais comptes font les bons amis ?
Le mois de décembre s’annonce d’ores et déjà sportif pour l’exécutif. En préambule d’une possible future crise politique, la désinformation s’est déjà invitée sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Bruno Retailleau, le redresseur de tords… à tord
À la Une du JDNews, au micro d’Europe 1, le groupe Bolloré n’a eu de cesse de vanter le bilan de Bruno Retailleau, nouveau locataire des bureaux de la place Beauvau. Selon une enquête exclusive, le ministre de l’Intérieur pourrait se targuer de « bons résultats » aux vues des dernières données migratoires. Les chiffres sont « incroyables« , exulte Cyril Hanouna, preuve d’une « intensification des efforts » peut-on lire dans l’hebdomadaire du JDD. Pourtant, ces chiffres sont une « totale fake news » affirme CheckNews, dans un article publié le 24 novembre.

Et pour cause, les données utilisées par le JDD portent sur les neuf premiers mois de l’année, un bilan « sur 40 semaines… dont une seule, en étant généreux, peut être mise au crédit de Bruno Retailleau – en poste depuis le 23 septembre » abonde le service de fact-checking de Libé. Une opération de communication à grand frais pour la crédibilité du groupe.
Michel Barnier ou la limitation à 90km/h sur autoroute pour les voitures thermiques ?
Diffusée depuis le 19 novembre, une vidéo du Premier ministre le montrerait sur BFMTV annonçant la réduction de « la vitesse sur autoroute […] pour les véhicules thermiques afin de réduire les émissions de dioxyde de carbone« , avant de préciser que « les véhicules électriques conserveront la limitation actuelle de 130km/h« . Une déclaration qui n’a pas manqué pas de faire réagir les oppositions à la transition énergétique, et autres comptes climatosceptiques. Pourtant, la vidéo est un « deepfake d’origine parodique » selon les recherches effectuées par Les Observateurs de France 24 ou encore l’AFP Factuel.
Pour parvenir à cette conclusion, les médias se sont d’abord penché sur l’origine de ces images. Après une recherche d’image inversée, une publication TikTok du 16 novembre est rapidement identifiée. Or, le compte est un habitué des vidéos parodiques créées par l’IA. La légende ne pouvait être plus claire : « #ia (CONTENU PARODIQUE)« . Une précision passée aux oubliettes de l’information…
Guillaume Kasbarian et l’absentéisme dans la fonction publique
Rétabli depuis 2018, le jour de carence est à nouveau dans le viseur de l’exécutif. C’est du moins ce qu’annonce Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, pour qui « une augmentation significative de la moyenne de jours d’absence par agent » a été constatée entre public et privé. Des propos confirmés dans un rapport de 2022 de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales : en quelques années l’absentéisme moyen est passé de 8 à 14,5 jours. Pourtant, France Info avance l’obsolescence de ces données, dans un article du 19 novembre.
Le 15 novembre 2024, le ministère de la Fonction publique publiait son dernier rapport pour l’année 2023, dont les « données contredisent en partie le ministre« , précise la cellule Vrai ou faux. En effet, une baisse du nombre d’absence lors de l’année passée – de 14,5 à 12 jours – a été constatée et s’est même accrue comparée au privé. D’autre part, l’écart s’explique par des « effets de structure« , toujours selon le rapport.
Climat de défiance à l’international
Guerre au Proche-Orient et COP29 ont marqué l’actualité internationale de ces deux dernières semaines. Une actualité qui n’a pas manqué de trouver son écho sur les réseaux sociaux.
Deux fois plus de réchauffement, preuve de l’absence de réchauffement ?
« Chaque pays se réchauffe deux fois plus vite que son voisin » peut-on lire dans une publication sur X du 22 novembre. « C’est aussi ça l’escrologie » surenchérit son auteur. Une posture appréciée de certains comptes climatosceptiques, à l’instar de François Asselineau ou de l’Association des « Climato-réalistes ». Photomontage ou vidéo à l’appui, les publications compilent des articles de la presse montrant l’augmentation plus rapide des températures dans différents pays… par rapport au reste du monde. Cette dernière précision fait toute la différence d’après l’équipe de l’AFP Factuel.
Question de moyenne : « Plusieurs zones peuvent en toute logique se réchauffer plus vite qu’une valeur moyenne » corrige l’article. La différence se comprend notamment au regard de la différence de réchauffement entre les continents et les océans. Les premiers connaissent une hausse de 30% supplémentaire aux seconds, selon Aurélien Ribes interrogé par l’AFP. À l’appui de ces propos, les données de l’Administration nationale américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA) permettent de montrer une tendance à long terme de l’augmentation dans l’hémisphère nord – dont font parti les pays cités par les internautes.


CPI contre Netanyahou : je t’aime moi non plus
Vague de consternation chez certains, victoire éclatante pour d’autres, l’émission d’une demande de mandat d’arrêt international par la CPI le 21 novembre 2024, à l’encontre de Benyamin Netanyahou, a entraîné son lot de confusions et désinformations. Un chaos également visible au plus haut sommet de l’Etat : « La CPI n’a aucune compétence sur cette affaire » soutenait le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken ; « immunité » invoquée au Quai d’Orsay. Côté réseaux sociaux, des liens sont faits avec la situation syrienne pour dénoncer un deux poids deux mesures. Pourtant, comme le rappel Libération et Les Surligneurs, la situation est plus complexe.
Israël a bien signé le traité de Rome, reconnaissant l’autorité de la CPI, mais ne l’a pas ratifié. En revanche, l’Autorité palestinienne est devenue un membre part entière en 2015. Or, « l’article 12 du Statut de Rome précise que la Cour peut juger les crimes commis sur le territoire d’un Etat qui a accepté sa compétence, et les crimes commis par le ressortissant d’un Etat qui est partie du Statut » précise le service de legal-checking. En d’autre termes, les crimes commis sur les territoires de l’Autorité palestinienne peuvent être jugés par la cour internationale. Concernant l’immunité invoquée, « elle ne tient pas » rappellent Les Surligneurs sur la base de l’article 27. Coup d’épée dans l’eau ? L’exemple récent de la non coopération de la Mongolie dans l’arrestation de Vladimir Poutine pose les jalons d’une incapacité de la CPI à faire respecter le droit international.



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