Par la rédaction, le 27 octobre 2024 – Temps de lecture : environ 6 minutes
Guerre au Proche-Orient, discussion du budget 2025, présidentielle américaine, l’heure est aux antagonismes, chaque « camp » cherchant à discréditer l’autre. Cette semaine du 21 au 27 octobre a ainsi donné la part belle aux manipulations en tout genre. Dans ce deuxième numéro, Fact’Ory s’intéresse tout particulièrement aux mécanismes désinformationnels employés.
Au programme :
- Avec l’extension du conflit au Proche-Orient, les belligérants et leurs soutiens rusent pour justifier leurs actes ou, à l’inverse, les dénoncer.
- En France, alors que l’examen du budget 2025 est en cours à l’Assemblée nationale, l’extrême droite ressort la marotte de l’aide médicale d’Etat (AME), jugée trop coûteuse.
- Donald Trump pousse un peu plus loin ses attaques contre son opposante démocrate, l’accusant d’avoir menti sur un emploi chez McDonald’s.
Guerre au Proche-Orient : la désinformation, une arme comme une autre
Israël intensifie ses frappes contre le Liban depuis le 23 septembre et s’est lancée, le 26 octobre, dans des représailles contre l’Iran. L’occasion de voir surgir de nombreuses accusations et manipulations d’image.
Les Casques bleus, complices du Hezbollah ?
L’Etat hébreu contre-attaque sur le front de l’information. Accusé de mettre en danger les forces internationales de maintien de la paix, Israël réplique, dans une publication sur X publiée le 13 octobre, en questionnant la présence d’armes du Hezbollah à proximité de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). L’objectif est de montrer la connivence, ou a minima l’inaction, de la Finul face aux actions du groupe islamiste. Des accusations à peine déguisées mais infondées selon un article de vérification du 22 octobre de CheckNews. Le service de fact-checking met en exergue le rôle limité des Casques bleus dont les attributions contraignent l’action.
La publication de Libération confirme dans un premier temps la proximité de ces tunnels, créés par le mouvement islamiste, avec la base onusienne mais également, plus proche encore, d’une tour israélienne. Une confirmation a pu être établie grâce à l’usage de l’OSINT – pour Open Source Intelligence – en géolocalisant sur Google Earth les sites à partir d’une vidéo de Tsahal. La rédaction a également recontextualisé le rôle de la force internationale à l’aide de plusieurs articles de presse (Reuters, El Pais, Washington Post) et rapports publics qui mettent en cause l’inaction des forces libanaises. Afin de confronter les différents acteurs présents dans le secteur, les journalistes de Libération ont tenté de les contacter, sans grand succès concernant Tsahal et le Conseil de sécurité de l’ONU.
Guerre de l’image : entre intelligence artificielle et manipulation numérique
Pour un public occidental, la guerre est lointaine. Donner à voir les destructions devient alors un jeu informationnel et de mobilisation sur les réseaux sociaux. Depuis le 20 octobre, une image est devenue virale : elle montre un avion sur le point d’atterrir à l’aéroport de Beyrouth sur fond de bombardement. Particulièrement graphique, elle est utilisée par les internautes pour dénoncer l’action d’Israël. Néanmoins, comme l’ont montré l’AFP Factuel et France 24, cette image est réalisée à l’aide de l’intelligence artificielle. De son côté, le ministère de la défense israélienne a publié le 26 octobre une photographie sur Telegram du QG lors des représailles sur Téhéran. La scène met en lumière une image montrant la supposée réussite du bombardement. Cette dernière s’avère dater du 2 juin 2021 alors qu’un incendie s’était déclaré dans une raffinerie de pétrole proche de la capitale iranienne.
Pour parvenir à ces conclusions, les rédactions ont relevé de nombreuses irrégularités sur la prétendue photographie (forme du train d’atterrissage, « angle bizarre d’une aile », différence avec le logo de la compagnie aérienne libanaise). Ces éléments ont été confirmés grâce à des logiciels de détection comme Truemedia.org ainsi que de véritables images capturées par les photographes de l’agence. La manipulation de l’armée israélienne a, entre autre, été révélée par Shayan Sardarizadeh sur X à l’aide d’une recherche inversée d’image qui a permis de remonter au cliché d’origine dans un article du journal Times of Israel.
L’AME et l’extrême-droite française : Zemmour et Ciotti, relais de la désinformation
Tandis que les députés sont en pleine discussion depuis le 21 octobre sur la partie recette du budget 2025, le coût de l’aide médicale d’Etat (AME) est à nouveau sous le feu des critiques. Elle est jugée trop coûteuse par les partis nationalistes.
Est-il vrai que « Dans les autres pays européens, il n’y a pas d’AME« , comme l’affirme Eric Zemmour ?
Le président du parti Reconquête s’est fait l’écho de cette rumeur, déjà ancienne, sur le plateau de LCI le 20 octobre dernier. Partisan de la « remigration » et d’une fermeture des frontières, l’ancien candidat à la présidentiel trouve ici un nouveau moyen de s’attaquer aux migrants et à l’Etat français qu’il considère coupable du « grand remplacement« . Cependant, dans une publication du 22 octobre, les Surligneurs précisent que « l’argument massue assurant que la France serait le seul pays européen à prendre en charge des soins de santé pour les personnes en situation irrégulière est faux« .
Le service de legal-checking s’appuie sur plusieurs rapports institutionnels de l’Union européenne en 2015, du ministère français de l’intérieur en 2023 et de l’Inspection générale des finances en 2019. Ces derniers décrivent les équivalences du modèle français dans les autres pays européens. Ils précisent néanmoins les spécificités de l’Hexagone et la générosité d’autres système comme « l’Espagne [qui] est quelque part plus généreuse dans son système que la France » souligne Patrick Stefanini, auteur du rapport de 2023
Les retraités plus mal lotis que les migrants illégaux sur les soins dentaires ?
Eric Ciotti, président du parti l’Union des droites pour la République, s’est fait l’écho, lui aussi, d’une affirmation erronée sur le plateau de France Info ce 22 octobre. Selon lui, « les migrants peuvent se faire poser 16 couronnes dentaires gratuitement. Pendant ce temps-là, les retraités modestes ne peuvent pas le faire et sont privés de ces soins ! réaffirme-t-il sur X. C’est révoltant, supprimons l’AME !« . Une attaque frontale pour discréditer l’aide aux migrants illégaux en jouant sur la supposée injustice vis-à-vis des citoyens français les plus démunis. Comme le précise la cellule Vrai ou faux de France Info et CheckNews, cette affirmation est doublement trompeuse. D’une part, l’AME ne couvre pas la totalité des frais dentaires – une prothèse est remboursée à hauteur de 60%. D’autre part, les retraités disposent depuis le 1er janvier 2020 du programme « 100% Santé ». Le dispositif, ouvert à tous citoyens ayant une complémentaire santé, permet d’être intégralement remboursé pour la pose d’une prothèse dentaire.
Libé comme France Info se sont basés sur les textes de loi en vigueur sur le territoire national, des informations du ministère de la Santé et sur les informations disponibles sur Ameli, le site de l’assurance maladie. Fact’Ory a pu avoir confirmation de ce remboursement intégral via le témoignage de parents proches ayant eu récemment recours à la pose de couronne.
Personnalité de la semaine : Donald Trump, mentez comme vous êtes !
En pleine campagne pour l’élection présidentielle qui se tiendra le 5 novembre prochain, le candidat républicain multiplie les attaques et invectives contre sa rivale, Kamala Harris. Habitué de l’exercice, Donald Trump s’est à nouveau illustré dimanche 20 octobre en accusant la démocrate d’avoir menti sur un emploi qu’elle aurait occupé à McDonald’s en 1983. Afin d’enfoncer le clou, il a également relayé des messages qui affirment que l’enseigne avait démenti les propos de Harris.
« Elle n’a jamais travaillé ici, McDonald’s l’a confirmé. C’est ‘Kamala la menteuse’ »
Libération est revenu sur ces déclarations le 21 octobre. Si ce petit job étudiant ne peut être confirmé ou infirmé, manque de preuves matérielles, il n’existe à ce jour aucun communiqué du groupe de restauration rapide. Fact’Ory y a consacré un court thread sur X après que des personnalités publiques françaises s’en sont saisies pour soutenir leur allié d’outre-Atlantique.
La vérification repose avant tout sur l’absence de documents à disposition. Comme l’évoque Jacques Pezet, journaliste au service CheckNews, « ni Donald Trump, ni Kamala Harris n’ont fourni de preuve matérielle« . Il n’existe pas de mention de cet emploi ni dans le CV, datant d’octobre 1987, ni dans les mémoires de la candidate à la présidence. Il souligne cependant l’absence de démenti de McDonald’s, contredisant les affirmations prétendant à son existence. L’article revient également sur le témoignage d’une lointaine amie de la vice-présidente actuelle, qui affirme, auprès du New York Times, « qu’elle se souvenait que Mme Harris avait travaillé chez McDonald’s à cette époque« .
Fact'Ory 
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