Par la rédaction, le 20 octobre 2024 – Temps de lecture : environ 5 minutes
Inondations en France : la géo-ingénierie, coupable idéal ?
Les eaux n’avaient pas encore reflué des rues françaises après les inondations du 17 octobre, qu’une déferlante de messages submergeait les réseaux sociaux. Pas une déclaration de personnalité publique, évoquant la catastrophe, n’a été épargnée. Des centaines de réponses viennent distiller le doute : les inondations seraient le fruit de la géo-ingénierie.
Le terme renvoie à l’ensemble des techniques visant à modifier volontairement le climat terrestre afin de contrer les effets du réchauffement climatique. Elle se divise en deux catégories : la captation du CO2 et la gestion du rayonnement solaire (SRM pour Solar Radiation Managment). Dans les deux cas la géo-ingénierie n’a donc pas vocation à créer des inondations. Cependant, une technique est particulièrement ciblée par les internautes : l’injection d’aérosols stratosphériques (SAI). Relâchées au-delà de 15km d’altitude, les particules joueraient ainsi le rôle de réfléchisseurs des rayons solaires pour réduire les températures terrestres. Toujours à l’état de recherche, elle crée un débat important au sein de la communauté scientifique et internationale, à tel point qu’un moratoire a été voté en 2010 par un organisme de l’ONU pour en interdire l’usage.
L’ensemencement des nuages : une pratique bien réelle
Fin de l’histoire ? Pas exactement. Selon les tenants de cette théorie, la confusion est grande entre géo-ingénierie et ensemencement des nuages. Cette dernière est une pratique remontant aux années 1950. Elle consiste à disséminer des aérosols (de l’iodure d’argent majoritairement) ou de l’eau salée dans les nuages afin de créer des noyaux qui permettront à l’humidité, contenue dans les nuages, de se condenser et ainsi provoquer des précipitations.
Une association française a même été créée à cette fin en 1951 : l’ANELFA. Son objectif est de lutter contre les tempêtes de grêle dévastatrices pour les agriculteurs, en particulier les viticulteurs. Elle est implantée dans de nombreux territoires français, recevant parfois des subventions départementales en soutien aux exploitants. L’association fournit à ces derniers des machines situées au sol – des générateurs à vortex – pour disséminer les aérosols nécessaires à l’ensemencement des nuages. Son efficacité n’a cependant jamais été démontrée.
Une théorie mainte fois réfutée comme « justification »
Fait étonnant, aucune des publications ne vient citer l’organisme. À l’inverse, elles s’appuient sur des articles évoquant les recherches en géo-ingénierie par SAI et surtout sur des photographies de traînées blanches laissées par des avions. Cette confusion est devenue le parangon de la théorie des « chemtrails », qui se cherche encore des preuves. Pourtant, comme nous l’expliquions dans un article en avril dernier, la théorie des « chemtrails » ne peut se confondre avec l’ensemencement des nuages, parfaitement invisible.
Développée à l’hiver 1999 par William Thomas – un correspondant de l’agence de presse environnementale ENS, la théorie affirme que les panaches blancs à l’arrière des avions ne sont pas des traînées de condensation (contrails en anglais) persistantes mais seraient, en réalité, des nuages chimiques. Or, les contrails sont scientifiquement étudiées et démontrées depuis les années 1950 avec les travaux précurseurs de Schmidt et Appleman.
À lire pour vérifier par soi-même la validité des études sur les traînées de condensation persistantes :
Le microtargeting : désinformation ciblée au coeur de la campagne présidentielle américaine
La campagne présidentielle bat son plein aux Etats-Unis en vue des élections du 5 novembre 2024. Tandis que les deux candidats multiplient les meetings à travers le pays, les réseaux sociaux sont également devenus une arme de communication. Soutien affiché de Donald Trump, Elon Musk – dirigeant de X – a financé, via le groupe Future Coalition PAC, des publicités ciblées sur Snapchat adaptées au profil des électeurs. La pratique est connue sous le nom de microtargeting.
C’est ce qu’a démontré Jason Koebler, journaliste pour le média 404media.co. Cette campagne, au double discours politique, a été réalisée grâce à une identification des populations par quartier. Les zones majoritairement juives ont été ciblées par une publicité présentant la candidate démocrate comme pro-palestinienne, tandis que celles à dominante musulmane ont reçu une publicité pro-Israël. L’objectif : décrédibiliser Kamala Harris en la présentant systématiquement comme une opposante.
Koebler a analysé les publicités issues de Snapchat que recevaient les différentes aires résidentielles. Cette analyse démontre le ciblage spécifique de zones, grâce à la géolocalisation par code postal du réseau social, dans lesquelles se trouvent des édifices religieux. Ainsi à Flint dans le Michigan, une partie de la périphérie ouest a été ciblée par une publicité présentant Kamala comme support d’Israël. Cette partie de Flint est la seule où se dresse une mosquée.

À lire aussi – Huffington Post, « Trump, Micro Targeting and the Mechanisms of Data Capitalism », 16 décembre 2016
Mort de Yahya Sinwar
Un personnage générateur de discours alternatifs
L’élimination du chef du Hamas, par une patrouille israélienne le 17 octobre, a été largement commentée sur les réseaux sociaux. L’occasion de voir surgir de nombreux messages contradictoires et certaines fausses informations. La rédaction CheckNews de Libération et « l’Info ou Intox » de France 24 reviennent sur certaines de ces déclarations.
Libération a pu retracer le fil des événements grâce aux informations publiées par Tsahal – nom de l’armée israélienne. « Des journalistes et comptes spécialisés dans la géolocalisation » ont ainsi pu déterminer les lieux des faits puis l’identité de l’homme tué. Une analyse de la dentition a confirmé l’identité du corps, citant un article de Ynet. De son côté France 24 a pu retracer l’origine des différentes photographies grâce à une recherche inversée. Les clichés s’avèrent sortis de leur contexte, certains datant des années 2000.
L’UNRWA complice de Sinwar ?
Dans les vidéos publiées après la mort de Sinwar, une image, postée par un journaliste israélien, montre un passeport retrouvé sur les restes d’un des gardes du corps. Il est au nom d’un enseignant de l’UNRWA – agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine. La nouvelle a immédiatement été l’objet d’une vaste polémique, relayée en France par des journalistes et hommes politiques de tout bord. Cependant, selon CheckNews et TF1Verif, « l’homme en question a en réalité quitté Gaza en avril 2024 et vit actuellement en Egypte ».
TF1 et Libération précisent qu’Hani Zourob a publié un démenti sur sa page Facebook, à l’instar de l’UNRWA. D’autre part, sa fuite vers l’Egypte est attestée par des clichés de ses certificats de voyage, datés du 28 avril 2024, ainsi que de son passeport. Les photographies ont été publiées par l’épouse de l’ancien professeur sur une chaîne Telegram.
Silvano Trotta sur Sky News :
Silvano Trotta, entrepreneur strasbourgeois et relai important de la désinformation en France, a fait l’objet d’une partie d’un article publié le 15 octobre par la chaîne de télévision anglaise Sky News. Un temps très enthousiaste à l’idée d’être relayé sur un média grand public, il déchante très vite quelques jour plus tard dans une longue publication. En effet, le papier le présente comme un des principaux prometteurs d’une fausse information à l’origine des « émeutes d’extrême-droite au Royaume-Uni ». Dans une publication, Trotta affirmait, erronément, que le meurtre au couteau de trois jeunes filles en juillet dernier avait été commis par un « demandeur d’asile qui est arrivé au Royaume-Uni par bateau l’année dernière ».
Aidée de la start-up Prose, spécialisée dans le renseignement open source (OSINT), l’équipe Data and Forensics de Sky News a pu établir une carte des comptes les plus influents à l’origine de la diffusion de cette fausse information. Elle a été réalisée par une veille numérique de « plus de 10 000 groupes extrémistes et conspirationnistes sur Telegram ». 11 051 messages ont ensuite été analysés pour déterminer les interactions entre les internautes. Sur les vingt plus gros comptes, 6 seulement étaient britanniques, contredisant « l’idée selon laquelle il s’agissait simplement d’une réaction britannique à un problème britannique », précise l’article.
À l’attention des lecteurs – Ce premier numéro de Fake Week est réalisé à titre d’expérimentation. Il a été pensé pour permettre à tout un chacun de prendre connaissance des principaux faits et de s’assurer ne pas relayer, à son insu, de la désinformation. Nous avons donc souhaité – comme à notre habitude – rendre l’information transparente, mais surtout, donner les clefs de compréhension des vérifications en apportant les méthodes et outils utilisés.
Le caractère hebdomadaire de la revue, voire sa parution, ne sont pas garantis.



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