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La liste de Good Sciencing : preuve de l’augmentation des décès chez les athlètes ?

Régulièrement partagée sur les réseaux sociaux depuis plus d’un an et demi, la liste du blog Good Sciencing est utilisée afin de démontrer une augmentation substantielle des décès d’athlètes depuis la vaccination anti Covid-19. Elle a été une nouvelle fois partagée ce 1er juin par le compte Twitter Leading Report – déjà à l’origine des rumeurs sur Mel Gibson – montrant sa prégnance dans les imaginaires. Pour autant, et ce dès son origine, celle-ci n’a jamais démontré quoi que ce soit. Cet article est une compilation réactualisée de nos différents threads réalisés ces derniers mois.


Le succès Good Sciencing

Commencée au dernier trimestre 2021, la liste de Good Sciencing a été propulsée en décembre 2021 sur Twitter ainsi qu’avec l’aide de Stewe Peters dans son émission du 13 décembre. Elle a ensuite été régulièrement réutilisée ici et là au fur et à mesure des efforts de compilation. Ainsi à l’été 2022, certains blogs (ici, ici ou ici) évoquaient une hausse de 1 700% des décès d’athlètes depuis l’introduction de la vaccination anti Covid-19.

Fin décembre 2022, elle atteint son apogée après l’utilisation de cette dernière dans une lettre à l’éditeur de Peter McCullough du 21 décembre 2022 qu’il partage sur son compte Twitter. C’est l’emballement. Immédiatement reprise par des comptes à plusieurs centaines de milliers d’abonnés (ici, ici, ou ici) et avec la participation d’Elon Musk, l’information sera vue par des dizaines de millions d’internautes.

Quelques réutilisations seront par la suite faites ces derniers mois jusqu’à ce 1er juillet 2023. Exceptionnelle vitalité. Pour autant, la liste ne s’étoffe plus depuis la fin du mois d’avril affichant le nombre de 1 310 décès depuis, et ce malgré une activité toujours importante du groupe Telegram. La raison est peut-être à trouver dans le nombre décroissant de décès relevés passant d’un pic à 96 décès relevés en janvier 2022 à 18 en février 2023, puis 29 en mars et 15 en avril.


Objectif et méthodologie orientés

Dès les premières lignes, l’objectif est annoncé : « Il n’est pas normal que tant d’athlètes souffrent d’arrêts cardiaques ou meurent en pratiquant leur sport […]. Les chiffres absolus indiquent clairement la seule cause évidente [i.e les vaccins anti Covid-19] ». Ainsi la liste se veut démontrer la « constante augmentation des problèmes médicaux » constatés chez des jeunes athlètes depuis l’introduction de la vaccination contre le Covid-19. Selon le site les « problèmes cardiaques et de ces décès surviennent peu de temps après avoir reçu un vaccin COVID », or sur 3194 cas seuls 318 sont indiqués, d’après le site , comme ayant été vaccinés soit moins de 10% des cas.

Afin de démontrer ce lien, le blog établit une liste des articles disponibles sur le Web qu’elle compare ensuite à une étude de l’University Hospital de Lausanne de 2006. Celle-ci dénombrait 1101 Sudden Cardiac Death (SCD) entre 1966 et 2004. Un SCD y est définit comme « un décès survenant dans l’heure qui suit les premiers symptômes aigus, en raison d’un collapsus cardiovasculaire (ou 24h sans témoin) ».

Les résultats de cette étude scientifique sont obtenus par une recherche dans la littérature scientifique avec les termes « sudden cardiac death » comme mots-clefs. Les critères sélectionnés sont les suivants :

  • Articles scientifiques rapportant des cas de SCD uniquement
  • Chez les athlètes
  • Âgés au maximum de 35 ans
  • Lié à l’exercice
  • Absence de preuves d’abus de drogues
Image

La rigueur scientifique imposerait donc une méthodologie similaire afin de pouvoir comparer ces résultats à des résultats postérieurs. Or la liste de Good Sciencing est établie avec les critères suivants :

  • Articles de presses dans de nombreuses langues
  • Tous les âges
  • Chez des athlètes / non-athlètes
  • En lien avec le sport de manière générale
  • Toutes causes de mort

Elle est donc issue d’un cumul d’articles de presse en ligne qui recensent les décès de personnes ayant un lien, plus ou moins proche, avec le sport. En effet, il n’est nullement question d’athlètes au sens strict mais de toute personne pouvant être associée à la pratique sportive (athlète, amateur, sportif occasionnel, coach, arbitre, ancien athlète, etc.).

Ainsi on y trouve par exemple :

D’autre part, la liste ne recense pas uniquement les arrêts cardiaques mais tous les décès, qu’ils soient d’origine inconnue comme cardiaque, mais aussi accidentels, infectieux, voire même des suicides. Avec parfois un manque de précision frôlant la falsification d’information :

Nulle comparaison ne peut donc être faite entre cette étude scientifique aux critères très sélectifs et une liste, établie à partir d’articles de presse, aux critères peu scrupuleux.


Quelques points de comparaison

a. Biais de sélection

Le point de départ de cette liste, s’il est donc frauduleux, est doublé d’une manipulation d’une courbe d’évolution des « effondrements et décès » depuis janvier 2021. Celle-ci présente une forte augmentation des cas à partir de juin 2021 jusqu’à atteindre son pic en janvier 2022 : l’image frappe. Cependant le biais de sélection rôde.

En effet, le mois de janvier 2021 est présenté comme le moins « meurtrier » avec 4 décès. Afin d’en vérifier la véracité nous avons consulté les articles disponibles sur le Web du 1er au 31 janvier 2021 et trouvé sans exhaustivité et en langue anglaise près de 40 articles. Se dégage alors une probable volonté de sous déclarer les articles avant l’été 2021 et ainsi donner l’image d’une augmentation des suites de la généralisation de la campagne de vaccination. La comparaison avec les mois précédents est donc largement biaisée.

b. Etude comparative italienne

Pour autant des points de comparaison existent. Une étude de l’université catholique du Sacré-Cœur de Rome publiée en janvier 2021 a cherché à relever l’ensemble des SCD chez les athlètes en Italie en 2019 grâce à une recherche épidémiologique sur Google, avec une méthodologie assez proche de celle de Good Sciencing.

Elle parvient ainsi à recenser sur l’année 2019, du 1 janvier au 31 décembre, 98 cas de SCD sur l’ensemble de la population (i.e : sportif compétitif / non-compétitif, tous âges).

Comparativement, entre janvier 2022 et décembre 2022 la liste de Good Sciencing dénombre un total de 76 décès en Italie, décès dont nous avons vu qu’ils pouvaient ne pas correspondre nécessairement à des SCD.

c. À méthodologie similaire : les mois de mars 2019 & 2022

Enfin, en janvier 2023, nous avions cherché à déterminer s’il était possible de parvenir à relever un nombre d’articles similaires à Good Sciencing lors du mois le plus « meurtrier » (à ce moment là) et ainsi constater, ou non, une augmentation des cas. À cette date, le mois de mars 2022 comptabilisait 94 décès recensés. C’est pourquoi nous avons cherché des articles au mois de mars 2019 en respectant la même méthodologie.

Pour cela nous avons inclus les articles en ligne du mois de mars 2019 informant du décès de personnes ayant un rapport avec le sport jusqu’à l’âge de 70 ans (personne la plus âgée dans la liste de GS pour le mois de mars 2022). Ces recherches ont été réalisées en langue anglaise, espagnole, portugaise, française et italienne sur Google.

Nous avons ensuite classé les résultats en différentes catégories :

  • Athlètes / Non-athlètes
  • Cause du décès
  • Sport pratiqué
  • Pays où est survenu le décès.

La définition retenue d’ « athlète » est la suivante : « personne pratiquant un sport dans une équipe ou un sport individuel qui nécessite un entraînement systématique et une compétition régulière, et qui accorde une grande importance à l’excellence et à la réussite athlétique ».

La cause des décès a été déterminée seulement lorsque celle-ci est indiquée dans l’article. En cas d’absence, celle-ci a été classée comme « inconnue ». Le sport pratiqué est celui mis principalement en avant dans l’article (certains articles mettent en avant une pratique multiple).

RESULTATS

Après vérification des articles de la liste de GS pour le mois de mars 2022 et après recherches pour le mois de mars 2019 nous sommes parvenus aux résultats suivants : GS indique 94 décès durant ce mois-ci, nous avons donc stoppé nos recherches à 94 décès recensés.

L’âge moyen des personnes décédées est de 39.4 ans en mars 2019 et de 37.6 ans en mars 2022. L’âge médian est respectivement de 41 et 37 ans. Dans 38% (vs 39%) des cas, les articles évoquent une pratique régulière exigeante voire professionnelle d’un sport. Les décès restent majoritairement liés à une activité récréative ou occasionnelle.

40% des décès sont de cause inconnues aussi bien mars 2019 que 2022. La deuxième cause est la crise cardiaque, durant ou peu de temps après l’activité sportive (25% vs 28%), suivie de la crise cardiaque au repos (19% vs 15%).

Les sports représentés sont également très similaires, certainement lié au nombre de licenciés et à la popularité de ces sports dans les pays en question. Sans surprise le football est surreprésenté avec 22 décès constatés en mars 2019 et mars 2022, suivi du football américain.

Enfin, la majorité des articles étant en anglais, les Etats-Unis sont le premier lieu des décès recensés avec respectivement 30% et 25.5% des décès. L’Italie se démarque probablement lié à une forte pratique sportive dans le pays et une appétence particulière de la presse pour ces sujets.

LIMITES

Signalons que cette comparaison comporte certaines limites :

  • Entre 2019 et 2022, la presse en ligne a continué son essor.
  • La question des SCD a bénéficié de nombreuses campagnes dans la communauté sportive poussant à un plus grand « intérêt » en 2022.
  • La pandémie de Covid-19 a possiblement influé sur le nombre de licenciés et la pratique sportive.
  • La recherche en ligne n’est pas exhaustive (aussi bien sur la liste de GS que la nôtre)

Nous rappelons également, à toute fin utile, que cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’augmentation du nombre de décès chez les sportifs en 2022. Seule une analyse exhaustive, à la méthodologie scientifique éprouvée et réalisée à l’aide de données consolidées saurait apporter une réponse.

Lien vers l’ensemble des articles utilisés pour le mois de mars 2019


Conclusion

La longévité de la liste de Good Sciencing depuis un an et demi se trouve dans ce qu’elle a de sensationnaliste et de laborieux à vérifier. Pourtant un examen plus approfondir montre une démarche peu scrupuleuse de la démarche scientifique et ne permet pas de tirer la moindre conclusion. À l’inverse, une comparaison à méthode similaire ne montre pas, à première vue, d’augmentation des décès recensés dans la presse. Ce même principe de liste, jouant sur le spectaculaire, avait été repris pour démontrer « une augmentation » des articles traitant des causes des troubles cardiaques dans la presse, en vain.



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