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À l'origine des faits


Vers un troisième mandat présidentiel consécutif ?

Dans un contexte de méfiance accrue vis-à-vis de l’exécutif et de crise démocratique, toute nouvelle information à ce sujet est rapidement relayée et largement commentée par les différents observateurs et groupes politiques. C’est dans ce cadre que Florian Philippot, président des Patriotes, a laissé entendre qu’un troisième mandat consécutif d’Emmanuel Macron était en préparation.

Dans un tweet du 7 mai 2023, celui-ci affirme qu’un groupe de réflexion a été lancé à l’Assemblée nationale afin de travailler sur une « réforme des institutions » notamment la possibilité de « limiter à 3 mandats consécutifs ». Selon lui, cette réforme permettrait à « Macron de faire un 3è mandat ».


L’origine de l’information

À l’origine de cette déclaration, un entretien du Journal du Dimanche (JDD) avec Yaël Braun-Pivet publié le 6 mai 2023. Lors de cet entretien, la présidente de l’Assemblée nationale indique vouloir créer un « groupe transpartisan sur la réforme des institutions » dont les travaux débuteront fin mai « avec pour horizon la fin du mois de juin ». Cette annonce avait déjà été faite en février dernier.

Questionnée sur le rétablissement du cumul des mandats des parlementaires, Me Braun-Pivet précise qu’il existe de nombreuses questions : « Faut-il les limiter à trois consécutifs ? » s’interroge-t-elle avant de demander s’il faut « revenir au septennat présidentiel ».

Extrait de l’entretien du JDD du 6 mai 2023 avec Yaël Braun-Pivet

« Faut-il limiter les mandats à trois consécutifs ? Revenir au septennat présidentiel ? Instaurer des midterms avec des législatives à mi-mandat ? »

Yaël Braun-Pivet

À la suite de cette publication de nombreux autres médias ont repris la citation in extenso comme Le Figaro, CNews, 20 Minutes, Huffington Post, etc. Or cette dernière peut prêter à confusion si elle n’est pas replacée dans le cadre de la question initiale sur le cumul des mandats des parlementaires. En effet, l’enchaînement des questions – l’une sur les parlementaires, l’autre sur le président – peut être source d’interprétation hâtive en faisant le lien entre les deux.

Néanmoins, on comprend rapidement à la lecture de l’entretien qu’il s’agit ici de « limiter » – le terme utilisé est d’ailleurs significatif, il ne s’agit pas de prolonger – les mandats des parlementaires à trois consécutifs. Précisons que les parlementaires ne sont actuellement pas limités dans la succession de leurs mandats. D’une durée de 5 ans pour les députés et 6 ans pour les sénateurs, le mandat est renouvelable sans limites du moment où le parlementaire est réélu.


Limiter le cumul des mandats dans le temps : un chantier (pas si) récent

Ainsi dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron pour 2022 on peut lire qu’un parlementaire « ne pourra exercer plus de trois mandats identiques successifs ». De même pour sa première candidature au quinquennat, celui-ci avait déjà formulé ce souhait comme visible dans cette courte vidéo de l’entre-deux tours.

Le Monde avait ainsi réalisé un article en avril 2018 suite à la volonté du gouvernement de limiter les mandats des députés. À cette date, l’article indiquait que « 81 députés ne pourraient pas se représenter si la loi était appliquée demain ». Europe 1 précisait à la même période que « plus de 90% » des français étaient favorables à une telle mesure.

Pour autant, cette idée avait déjà été formulée par François Hollande lors de son discours du 8 septembre 2016 salle Wagram. Il y évoquait l’idée de limiter « le cumul des mandats dans le temps » à deux.


Un projet de loi constitutionnel

Revoir le cumul dans le temps des mandats parlementaires ou la durée du mandat présidentiel revient, en revanche, à réviser la Constitution. Toute révision de ce type, initiée par le président, doit être acceptée dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement. Ce projet de révision est ensuite soit soumis à référendum soit soumis au vote du Congrès nécessitant d’obtenir une majorité des trois cinquièmes des parlementaires (article 89 de la Constitution).

Précisons que l’article 11 de la Constitution peut également être utilisé pour soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics comme ce fut le cas en 1962 pour l’introduction de l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Pour autant, cet emploi n’a pas été réitéré en matière constitutionnelle depuis.


Conclusion

Les propos de Florian Philippot sont une interprétation erronée des déclarations de Yaël Braun-Pivet. Celle-ci évoquait la volonté de réviser le cumul des mandats dans le temps des parlementaires en limitant à trois les mandats consécutifs, non celui du président de la République.



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