Le SARS-CoV-2 , à l’origine du Covid-19, est-il présent dans une publication scientifique de 2006 dans laquelle une chimère du VIH, du SARS-CoV et du SARS-CoV2 est créée, selon les interrogations de certains internautes ?
Egalement repris par quelques comptes francophones (ici et là), le tweet publié le 23 avril s’interroge sur la présence du terme « SARS-CoV2 » dans une lettre à l’éditeur de juillet 2006 sur NCBI.

Cette publication, réalisée par une équipe de l’université de Xiamen et intitulée Preparation of a Chimeric Armored RNA as a Versatile Calibrator for Mutiple Virus Assays, s’intéresse à la création d’un « armored RNA » (AR) pour la détection de plusieurs virus. Cette dernière est possible grâce à un autre processus : combiner plusieurs fragments d’ARN des différents virus à détecter grâce à la technique de l’overlap extension PCR (SOE-PCR). Elle permet ainsi la création d’une séquence plus longue.

En bref, un assemblage de plusieurs fragments d’ARN de différents gènes afin d’obtenir une nouvelle séquence (technique ayant plus de 30 ans : cf Horton et alii, 1990) afin notamment d’être utilisée dans les tests PCR multiplex.
Ainsi le SARS-CoV-2 (comprendre ici le virus à l’origine du Covid-19) a-t-il été utilisé lors d’une de ces manipulations génétiques ?
Une recherche par filtre sur NCBI (https://ncbi.nlm.nih.gov/pmc) nous permet de trouver 4 occurrences du terme « SARS-CoV2 » avant 2019.
Par ordre chronologique :
1- La lettre à l’éditeur de 2006 en question.
2- Un article de mars 2008 du Center for Disease Control and Prevention de Hangzhou (Chine) sur la préparation d’un AR.

3- Un article de mai 2008 par le National Center for Clinical Laboratory de l’hôpital de Beijing (Chine) sur la préparation d’un AR grâce à la méthode du SOE-PCR.
4- Enfin, un quatrième article, de la même équipe, de juillet 2008 reprenant la majeure partie des travaux de l’article de mai 2008 sur la construction d’un AR contenant un ARN chimérique de grande taille.
Notons qu’un brevet a également été déposé en avril 2008 par l’hôpital (CN101503700A : https://patents.google.com/patent/CN101503700A/en…).
Dans l’ensemble des ces documents il est question de « SARS-CoV2 » (ou CoV2 / SARS2) et de « SARS-CoV3 » pour les publications de mai, juillet 2008 ainsi que dans le brevet.



Cependant, en consultant le matériel complémentaire fourni dans la publication de 2006, il est possible de trouver l’ensemble de la séquence obtenue après assemblage des différents fragments

En la comparant avec la banque de donnée BLAST, les séquences de « SARS-CoV1 » & « SARS-CoV2 » correspondent toutes deux à 100% au SARS Coronavirus Urbani, soit le SARS-CoV-1 apparu en 2002.



D’autre part, dans l’article de mars 2008, il est indiqué que l’ARN du SARS-CoV a été prélevé sur un seul « échantillon oral d’un patient atteint durant l’épidémie de 2003 ».

De même, à la figure 1, il est précisé que CoV1 et Cov2 sont des fragments du SARS-CoV.

Les amorces « BNIoutS » et « BNIoutAS » sont utilisées pour le fragment « BNI 1 ». Or ces dénominations se retrouvent en mai 2003, dans un article publié dans le NEJM qui identifie la totalité du génome du SARS-CoV, pour désigner deux oligonucléides.
En comparant les nucléotides de ces deux amorces entre la publication de 2003 et celle de mars 2008, on constate une parfaite similarité :
– BNIoutS2 (ATGAATTACCAAGTCAATGGTTAC)
– BNIoutAs (CATAACCAGTCGGTACAGCTAC )


Même constat en recherchant dans BLAST la totalité de la séquence (379 nucléotides) : celle-ci correspond au SARS-CoV.


Pour les publications de mai et juillet 2008 ainsi que le brevet, il est précisé que l’avantage d’un AR est de pouvoir combiner « plusieurs amorces PCR de différentes régions de ces gènes ».
Le brevet précise même qu’il s’agit de trois sections du SARS-Cov :
« Six sections secquences comprise three sections SARS-Cov (SARS-CoV1, SARS-CoV2, SARS-CoV3) »
Plus explicitement encore, ces trois documents montrent que les séquences pour SARS-CoV1, SARS-CoV2 et SARS-CoV3 sont toutes issues de la même souche du SARS-CoV identifiée sur GenBank sous le n°AY864806, intitulé SARS coronavirus BJ202, soumis en décembre 2004.
Même constat pour les fragments de la grippe aviaire (H5N1) : intitulés M300 et HA300, ils correspondent à la protéine de matrice (M) et à l’hémagglutinine (HA) (voir cet article de l’ENS Lyon sur le virus H5N1). Ces deux séquences proviennent de la même souche virale, Influenza A virus (A/cat/Dagestan/87/06 (H5N1)) hemagglutinin (HA) gene, complete cds, identifiée sur GenBank n°DQ864720.

Conclusion
L’utilisation des termes « SARS-CoV2 » et « SARS-CoV3 » ne renvoient pas à des coronavirus différents du SARS-CoV de 2002 mais à des fragments de ce même virus. Les séquences ARN utilisées proviennent des mêmes échantillons et correspondent à 100% au génome du SARS-CoV.



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