A-t-on constaté un taux de 58% de fausses couches – soit 15 pour 26 femmes enceintes – dans l’essai clinique de Pfizer sur son vaccin comme l’affirment des médecins sur Twitter ?
Ici relayée par Anastasia Maria Loupis – médecin danoise – le 28 février 2023, la vidéo d’1min30 est extraite de l’émission de Laurence Fox du 24 février sur Great Britain News (GBNews), une chaîne gratuite anglaise.
Dans cet extrait (de 15’30 à 17’00), Tina Peers, médecin anglaise, évoque la sûreté des vaccins anti-COVID19 lors de la grossesse de la minute 15 à 26 de l’émission. Elle y affirme :
« le taux de fausse chez les vaccinées était de 58% » lors de l’essai clinique de Pfizer.
– Tina PEERS
Ce taux est déduit du nombre de « 25 [sic] femmes qui sont tombées enceintes, dont 15 ont fait une fausse couche » annonce-t-elle en préambule, ajoutant que sur « 9 [sic] qui sont nés, 5 ont eu des anomalies congénitales ». Selon elle, ces données sont issues d’un rapport officiel de l’Union Européenne comme précisé dans ce tweet du 26 février 2023 en réponse à un internaute lui demandant sa source, or 6h plus tôt celle-ci donnait une autre source.
Pour autant, l’information avait déjà circulé plus tôt sur le compte du chirurgien orthopédiste anglais, Ahmad Malik, le 25 février en reprenant l’affirmation du taux de 58% de fausse couche.
L’information a également été relayée sur le Twitter francophone avec moins de succès – rappelons que les deux précédents tweets ont obtenus chacun plus de 10k likes – comme ici par Denis Agret, docteur montpelliérain, le 21 février 2023
Citant lui-même un tweet d’Hélène Banoun, ancienne chercheuse à l’Inserm, posté le 20 février, reprenant elle-même un tweet du 19 février, vu 1 million de fois, de Eva Vlaardingerbroek, commentatrice néerlandaise et citant un message désormais supprimé par son auteure.
Ce dernier message est en réalité celui de la journaliste Sonia Elijah inclut dans ce thread du 19 février. Le message supprimé – dont nous avons retrouvé une archive – reprenait les mêmes données que Peers sur GBNews

Notons en premier lieu qu’à l’origine de ce taux présumé de 58% de fausse couche se trouve S. Elijah, précédemment citée. En effet, elle est à l’origine d’un article sur le site Childrens Health Defense le 19 février 2023.

Au paragraphe sur les grossesses, elle indique que « sur 26 [grossesses], 15 ont résulté en des fausses couches et 5 grossesses ont abouti à 5 naissances avec anomalies congénitales » avant d’affirmer que cela amène donc à un « taux de 58% ».


Cependant la version actuelle est une édition du texte original. La modification du 22 février a supprimé le paragraphe sur le taux de 58% et il a également été ajouté la précision selon laquelle ce sont 149 cas de grossesses uniques qui sont concernées.
Ainsi, lorsque Tina Peers est passée sur le plateau de GBNews le 24 février, elle aurait déjà dû avoir connaissance des modifications de l’article, et ce, encore plus le 26 février lorsqu’elle a publié ses sources. Or on constate qu’elle n’a pas réellement lu ce rapport. En effet, ce rapport intitulé Periodic safety update report #1 (PSUR) est un rapport de Pfizer destiné aux autorités européennes concernant le suivi du vaccin COMINARTY sur la période post autorisation allant du 19 décembre 2020 au 18 juin 2021.
La partie sur les femmes enceintes et allaitantes (16.3.5.3.) couvre les pages 234 à 245. Dès la p.235, le rapport montre que ce sont 152 cas de grossesses – dont 149 uniques – qui ont été répertoriées dans les études cliniques C4591001, C4591015, BNT162-01 et C4591017.

Sur ces 149 grossesses uniques, 17 ont abouti à un avortement spontané (« Spontaneous abortion »), ou 21 en incluant les « abortion related events » – soit un taux de 11% & 14% respectivement – et non 15 comme indiqué par Peers & Elijah.
Le tableau 38 (p. 237) résume ces données.

Cette différence vient du fait que ce n’est pas, en premier lieu, cette partie du rapport qui a été utilisée mais la partie intitulée Incremental review (CT cases), soit la partie qui vient ajouter les nouveaux cas d’intérêt survenus dans les essais cliniques (CT).
De facto, ces nouveaux cas sont nécessairement des cas dans lesquels des événements indésirables ont été relevés (à la différence de la revue cumulative). Ainsi, on retrouve bien les 26 cas de grossesses (et non 25 comme l’indiquait Peers) dont 15 sont liés à une fausse couche.


Le tableau 39 (p.240) est celui présenté sur le site Childs Health Defense. Celui-ci résume les cas de grossesses incrémentés durant la période du rapport dans les essais cliniques sus-cités avec 15 avortements spontanés et 11 naissances (et pas 9 comme l’affirme Peers), soit 26.

Enfin, aux pages 241 à 244, une partie est dédiée aux cas rapportés en dehors des essais cliniques (Post-Authorization Data). Celle-ci rapporte que sur 1604 mères (1661 cas de grossesses), 275 ont fait un avortement spontané (p.241).

Sur les 1661 cas, le terme de la grossesse est connu pour 1084 (572 étaient encore en cours ou non précisées). Le tableau 40 (p.244) résume ainsi la situation.

Pour précision, concernant l’essai clinique C4591001 de Pfizer, la table 35 p. 84 montre que sur un total de 44 047 participants, 84 cas de grossesses ont été identifiés dont 10 avortements spontanés, 3 étant survenus chez des femmes vaccinées.

De même dans l’analyse post autorisation du vaccin du 28 février 2021, la table 6 (p.12) montre que sur 270 grossesses, 26 ont abouti en des fausses couches.

Conclusion
En définitive, ce taux de 58% de fausse couche lors de l’essai clinique de Pfizer est erroné. Il s’agit de cherry picking d’une partie du rapport PSUR 1. Au contraire, les taux des essais cliniques présentés dans ce rapport sont équivalents à la normale. Cette pratique reste au demeurant régulière à ce sujet comme nous l’avions déjà montré dans ce thread du 16 août 2022 avançant un taux de fausse couche de 44%.



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